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Accuser la France et le Franc CFA ne sauvera pas l'Afrique.



Le débat autour du franc CFA a pris une tournure passionnée, à la faveur d'un discours virulent, accusant la France d’enrichissement sur le dos des pays africains. De nombreux leaders néo-panafricanistes propagent cette idée comme la révélation du "trésor caché", reliant le franc CFA au passé colonial pour mieux dénoncer l’influence française persistante.

Créé en 1945, soit quinze ans avant l’indépendance des colonies françaises, le franc CFA est encore vu comme un outil de domination économique, un symbole d’influence de la France en Afrique. Or, aujourd'hui, cette monnaie incarne tout le contraire : la dégradation des pays de la zone franc, qui peinent à sortir du sous-développement depuis les indépendances, mais surtout, l’affaiblissement net de l’influence française en Afrique.


Malgré une solide implantation sur le continent, avec 1100 groupes et 2109 filiales, la part de marché de la France en Afrique s’est effondrée. Le total des exportations françaises en Afrique, représente seulement 5,4% du volume total de ses exportations dans le monde. Une baisse de moitié, selon l’étude de la Compagnie française d’assurance pour le commerce extérieur (Coface) publiée en juin 2018, au profit de la Chine, l’Inde et la Turquie, plus agressifs et plus près de la réalité du marché africain.Les plus gros partenaires commerciaux de la France en Afrique sont l’Algérie, le Maroc, la Tunisie, le Nigéria et l’Afrique du Sud, qui sont tous hors de la zone franc CFA. Viennent après, la Côte d’Ivoire et le Sénégal en Afrique subsaharienne appartenant à la zone CFA.


Dans les 14 pays de la zone franc CFA en Afrique subsaharienne, le total des exportations françaises tourne autour de 1% seulement. Ce chiffre datant de 2006 est sans doute en baisse au regard des déboires de la France en République centrafricaine, au Mali, Burkina Faso, et au Niger. Mais alors, pourquoi ce fantasme du "hold-up monétaire" persiste-t-il, et plus encore, pourquoi progresse-t-il ? Les réseaux sociaux ont joué un rôle clé dans la diffusion de contre-vérités, alimentant la colère et la méfiance vis-à-vis de la France. Des figures politiques ont saisi ce discours pour renforcer leurs positions populistes, en particulier dans les États du Sahel, mais pas que. Toutefois, il convient de replacer le débat dans un contexte plus large.


Ce que beaucoup omettent de mentionner, c'est que les pays qui utilisent le franc CFA et ceux qui ne l'utilisent pas sont confrontés aux mêmes difficultés économiques. Pire encore, ceux qui sont souvent présentés comme des modèles de développement, tels que le Nigéria ou le Ghana, et qui n'ont pas le Franc CFA, sont précisément ceux qui l'utilisent comme monnaie refuge. Depuis 2022, le Cédi, la monnaie ghanéenne a perdu 57% de sa valeur face au dollar, contre  8,6% pour le Franc CFA. Quant au naira, la monnaie nigériane, sa valeur a été divisée par 2 270 depuis sa création. Soit  99,96 % de sa valeur en 51 ans face au dollar. En 2024, sa dépréciation violente a entraîné sa chute, les multinationales dont certaines ont immédiatement fui le pays.


Le véritable enjeu n'est pas de se focaliser sur le franc CFA ou la France, mais sur une meilleure gouvernance, la capacité de l'Afrique à réformer, à développer ses infrastructures, et à créer de la valeur ajoutée localement. Car, les pro et anti Franc CFA ont honteusement décidé d'occulter l'essentiel : la situation économique désastreuse de l'Afrique. Elle est la région la plus pauvre de la planète. Elle ne produit et transforme que très peu de choses, et sa contribution dans les échanges mondiaux qui était de 5% au moment des indépendances a décliné à 3%. Tout cela dans un contexte de forte croissance démographique.  

 

 
 
 

4 Comments


Lindor Diop
Lindor Diop
Oct 22, 2024

Juste pour insister sur l'importance de la création de valeur ajoutée à laquelle vous faites référence.


Malheureusement, le contexte dans lequel sont maintenus tous ces pays africains, et en particulier ceux utilisant le Franc CFA, ne permet pas d'investir dans des unités de transformation de leurs matières premières. La bonne gouvernance n'a rien à y voir. C'est plutôt le système bancaire qui maintient la raréfaction de capitaux pour des prêts à long terme au profit d'entreprises locales à des taux qui n'obèrent pas le retour sur investissement des projets de transformation des ressources naturelles et des matières premières de ces pays.


Le cas de la rafinerie Dangote est un exemple patent ! Après avoir réussi à investir l'argent nécessaire pour…


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sergemenye
Oct 27, 2024
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Bonjour,


Dangote n'a pas de brut à cause de l'Etat du Nigéria qui l'a gagé pour des préfinancements.

Aussi, du fait du manque d'entretien depuis des décennies, la production du pays s'est effondrée. Par ailleurs, pour revenir sur Dangote, il souhaite payer en Naira, et son pays dont c'est la monnaie, refuse, préférant des dollars au regard de la situation économique du Nigéria avec une monnaie qui ne vaut presque plus rien.

Pas besoin de chercher les responsables lointains.

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