AFRIQUE : rester pauvre mais être plus gros sur la carte du monde.
- sergemenye
- 24 août
- 3 min de lecture

On pensait que les priorités de l’Afrique étaient claires : sortir des millions de personnes de la pauvreté, éradiquer l'analphabétisme, offrir de l’emploi à une jeunesse survoltée et sans perspectives, stabiliser des régimes politiques médiocres, corrompus qui changent au rythme des coups d’État, bâtir des infrastructures et des économies productives, et avoir enfin accès à l'eau potable et à l'électricité. Mais non, l’urgence est ailleurs. Dans l'establishment au niveau continental et certains cercles intellectuels et militants africains, la grande bataille n’est pas contre la famine, les guerres interminables, l'excision, le lévirat, l’exode massif des cerveaux, ou les migrants jetés dans le désert, mais… contre la projection de Mercator, une carte raciste imaginée par les colons pour faire apparaître l'Afrique plus petite que sa taille réelle afin de l'humilier et bloquer son développement.
Oui, vous avez bien lu : la carte. Si l'Afrique est depuis 1960 le continent le plus pauvre du monde, c'est à cause d'elle, et surtout quand on sait que des très petits pays comme la Suisse, le Japon, Singapour...sont devenus riches et respectés une minute après avoir agrandi leur carte.
La revanche géographique des "humiliés"
La critique est connue, la projection de Mercator, héritée du XVIe siècle, déforme les surfaces et sous-représente la taille réelle de l’Afrique. Résultat, le Groenland, immense tache blanche en haut du planisphère, apparaît presque aussi grand que le continent africain, alors qu’il pourrait y tenir quatorze fois. C’est une vieille histoire, mille fois répétée, recyclée dans des documentaires, des posts militants et des conférences TED.
Or, les dimensions et la forme l'Afrique sont connues, et ceux qui ont été à l'école savent lire une carte, ont entendu parler des échelles et peuvent éduquer leurs enfants, agrandir, acheter, utiliser la carte de leur choix.
L’obsession du symbole futile, l’oubli du réel
Si le combat d'une vie c'est la taille sur la photo, on peut comprendre la frustration, mais soyons sérieux. Le continent est sous-représenté sur une carte certes, mais il l'est encore plus dans les domaines qui comptent vraiment dans la vraie vie. En 2025, l’Afrique pèse encore à peine 3 % du commerce mondial. Les économies les plus dynamiques restent prisonnières de la rente pétrolière, minière ou agricole. Les universités africaines brillent rarement dans les classements internationaux. Et les flux migratoires, eux, rappellent une évidence, c’est vers l’Occident que l’on court, pas vers « l’Afrique agrandie ». Alors, réclamer une carte plus juste quand on ne maîtrise pas son développement, ne fera que renforcer l'image d'un continent figé, incapable de l'élémentaire, hors des simples réalités du monde.
La dépendance jusque dans les cartes
Et le plus ironique, c’est que cette revendication, pourtant parfaitement légitime — après tout, rien n’empêche un continent d’imposer sa propre cartographie —, se transforme en une nouvelle preuve de dépendance. Car, au lieu de produire et diffuser massivement leurs propres cartes, comme la Chine ou l’Australie l’ont fait sans demander la permission, les Africains attendent… l’approbation de l’Occident. C’est toute une mentalité qui se résume là, au lieu de tracer leur carte eux-mêmes, ils exigent que « les autres » leur fassent de la place. Comme si la dignité africaine passait d’abord par un correctif cartographique validé par l’Europe ou les États-Unis.
La carte comme cache-misère
La vérité c’est que cette obsession géographique relève du syndrome du quémandeur qui réclame des symboles quand il ne peut obtenir des résultats. Se battre pour des photos quand on peine à défendre la souveraineté de ses frontières. Brandir de vielles cartes quand plus de la moitié de la population en 2025 vit encore avec moins de 2 dollars par jour c'est vraiment le signe d'un continent qui veut avancer. Mais ce n’est pas la taille de l’Afrique sur un planisphère qui impressionnera la planète, mais celle de son PIB, de ses exportations de haute technologie, de ses universités classées au top mondial, de ses armées réellement souveraines. Bref, une Afrique à l’échelle… de ses ambitions - encore faut-il en avoir, et c'est loin d'être gagné.
L’Afrique est immense, on le sait. Elle n’a pas besoin que Mercator, Gall-Peters ou n’importe quel autre géographe vienne lui rappeler après avoir mendié. Ce qu’elle doit prouver, ce n’est pas sa superficie, mais sa capacité à transformer cette immensité en puissance économique, intellectuelle et politique. Tant qu’elle ne le fait pas, elle pourra bien réclamer d’être « plus grosse sur la carte » : elle restera minuscule dans les classements qui comptent vraiment.





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