GENOCIDE AU SOUDAN : mais où sont les Africains ?
- sergemenye
- 2 nov.
- 4 min de lecture

Il y a des silences qui cautionnent des tueries de masses, des indifférences qui résonnent comme une trahison, une honte qui inspire du mépris. Le drame soudanais en est l’illustration la plus insoutenable. Depuis des années, le Soudan se consume dans une guerre d’une brutalité inhumaine, une spirale de massacres et de viols collectifs, d’enfants brûlés vifs et de villages littéralement rayés. Ce n’est plus une guerre : c’est un génocide. Et pourtant, sur le continent africain, c’est à peine un murmure.
Cette semaine encore, la violence a franchi un nouveau seuil de barbarie particulièrement effroyable. Après la chute d’El-Fasher, les hôpitaux et maternités ont été pris pour cibles. 460 personnes tués dans une maternité, plus de 2000 en trois jours. Des centaines de civils, dont des femmes ont été massacrés. Abu Lulu, celui qu’on surnomme désormais le “boucher du Darfour”, se vantait d’avoir tué plus de deux mille personnes avant son arrestation, “facilitée” par ceux-là mêmes qui l’armaient, et qui déclarent eux-mêmes que leurs soldats ont exagéré dans l'horreur . Tout cela sous les yeux d’un monde épuisé par ses propres crises, et surtout d’une Afrique muette, indifférente.
L’Union africaine, censée incarner la conscience du continent, n’a pas soufflé le début du commencement d'un projet d'action, à part un simple communiqué de quelques lignes qui tombe comme un cheveu. Pas un sommet d’urgence, pas un plan humanitaire. Les présidents africains, si prompts à féliciter les capitales occidentales lors de l'élection d'un nouveau président, ou pour défiler à Paris pour Charlie Hebdo, le décès de la reine Elisabeth et l'inauguration de l'église Notre Dame, se murent dans le silence - et à leur décharge il faut dire que parmi eux, certains savent comment tirer sur une foule désarmée.
Les dirigeants européens et américains, eux, (y compris ceux qui ne sont plus en fonction) ont quasiment tous à travers des communiqués et messages sur les réseaux sociaux, fait le minimum qui semble évident pour un humain normalement constitué (par ailleurs, je vous laisse compter sur Google le nombre d'articles sur le Soudan cette semaine en France, Allemagne, Canada, Japon...). Tandis que les chancelleries, les médias, la rue africaine, semblent tous occupés ailleurs. On préfère parler de football, de musique, des sujets du vide profond sur “renaissance africaine” alors que le spectacle ensanglanté d'un continent dans les abimes se déroule devant les yeux du monde entier.
Samedi 1er novembre 2025, je me suis rendu à la manifestation organisée à Paris en soutien aux Soudanais. Et, comme à chaque fois qu’il s’agit d’une cause africaine, mes expériences n'ont pas été contredites : le petit comité d'une sortie d'église dans un village, ce n'était pas la foule des grands jours qui sait se déchainer pour les soldes, les buffets à volonté et concerts gratuits. Quelques militants (d'ailleurs souvent les mêmes), quelques citoyens sincères dont le visage ne suggère pas instantanément un lien avec l'Afrique, mais pas cette foule que l’on voit lorsqu’il s’agit de se plaindre.
Le plus tragique, c’est cette apathie d’une population africaine jeune abreuvée de discours creux sur la “fierté noire” et “l’Afrique éveillée”. Où sont ces youtubeurs, ces “panafricanistes” de pacotille rémunérés aux "likes" et vues, qui saturent les réseaux sociaux de rhétoriques victimaires ? Où sont ces influenceurs qui prétendent agir pour l’Afrique, mais se taisent lorsqu'elle baigne dans le sang ? Aucun n’a appelé à manifester, aucun n’a crié justice pour les femmes, les enfants, les villages entiers réduits en cendres. Leur Afrique n’est qu’un décor pour leurs ego, un argument marketing, une posture rentable, un misérable plan de carrière.
L’Afrique n’a pas seulement perdu sa voix, elle a perdu sa conscience. Car l’indifférence face à la souffrance des siens est plus qu'une faillite morale. La vérité, c’est que trop d’africains ont intégré la forme la plus extrême de la résignation : attendre que d’autres l’ONU, les ONG, les Occidentaux — viennent régler leurs drames. La douleur africaine doit toujours être gérée, mais par d’autres. Et quand, demain, la communauté internationale décidera enfin de s’en mêler, on verra les mêmes visages se précipiter pour feindre l’indignation. On verra surgir des vidéos et posts tardifs comme le veut la tradition, tous dictés par la mode du moment, comme lors de "l'esclavage en Libye" (merci Facebook). Mais être solidaire est un réflexe d’humanité. Pour l'Ukraine, l'Occident a dès la première seconde a massivement répondu présent. Pour le Soudan, la RDC, qu'a fait l'Afrique, qu'ont fait les africains ? Rien. Oui, absolument rien.
Ce qui se joue au Soudan, ce n’est pas seulement le destin d’un pays : c’est le miroir de toute une Afrique. Une Afrique qui a oublié l’essentiel. Une Afrique qui s’émeut pour des futilités. Le drame soudanais - et il y en a exceptionnellement beaucoup trop sur ce continent - est un échec africain. Et le silence des africains, lui, est une complicité. Il y a déjà quelques raisons de penser que la communauté internationale - oui toujours elle - finira par réagir, mais ce qui est certain c'est qu'elle ne pourra pas, même si elle le voulait, changer les mentalités.





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