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Guerre Iran–Israël : l’Afrique, loin du front, proche des secousses

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Le fracas des missiles entre Israël et l’Iran semble, de prime abord, ne pas concerner l’Afrique. Aucun État africain n’est partie prenante, aucune capitale du continent n’a son mot à dire dans un conflit dominé par des puissances du Moyen-Orient dotées d’armements sophistiqués et de logiques de puissance qui dépassent les cadres africains. Pourtant, s’imaginer que cette guerre restera sans effet sur l’Afrique serait une dangereuse illusion. L’histoire contemporaine l’a montré, les conflits internationaux frappent l’Afrique par ricochet, avec parfois plus de violence que dans les zones directement concernées. Déjà éprouvée par les séquelles économiques du Covid-19, et en pleine digestion des chocs provoqués par la guerre en Ukraine, l’Afrique se retrouve à nouveau sur la ligne de front… sans y être invitée.



Chocs économiques en cascade


Le premier levier d’impact sera économique. L’Afrique importe plus de 90 % de ses hydrocarbures raffinés, faute d’infrastructures suffisantes. Une flambée des prix du pétrole — inévitable si le détroit d’Ormuz, à portée de l'Iran, par où transite 25 % de la production mondiale, venait à être perturbé — entraînerait une nouvelle vague d’inflation. A cette heure, les cours qui étaient orientés à la baisse en raison de la publication d'indicateurs macroéconomiques décevantes sont désormais tournés vers la hausse.


Les approvisionnements alimentaires sont également menacés. Comme le souligne la Banque africaine de développement, l’insécurité alimentaire touche déjà plus de 280 millions d’Africains. Une crise prolongée dans le Moyen-Orient pourrait désorganiser les chaînes logistiques globales, enfonçant davantage les économies fragiles. Dans ce contexte, de nombreux bailleurs, notamment occidentaux, pourraient réallouer leurs priorités budgétaires vers la gestion directe des effets géopolitiques, réduisant d’autant les ressources affectées à l’Afrique. Cette guerre survient alors que l’aide publique au développement, notamment américaine, s’effondre. Moins de financements, plus de charges, les projets sociaux, climatiques et éducatifs risquent l’asphyxie, et l’Afrique comme souvent, de se retrouver reléguée.



Menace sécuritaire avec le repli des alliés et l'avancée des extrémistes


L’asymétrie d’information sécuritaire constitue un autre angle mort préoccupant. Dans le cadre de la coopération antiterroriste, de nombreuses armées africaines s’appuient sur les flux de renseignement et de matériel fournis par des puissances aujourd’hui happées par la confrontation Iran - Israël. Moins de données, moins de drones, moins de soutien. Or, dans le Sahel comme dans la Corne de l’Afrique, les groupes djihadistes prospèrent dans les brèches sécuritaires et les déséquilibres régionaux. L’impact pourrait aussi être indirect et interétatique. Le Maroc, partenaire stratégique d’Israël, envisage l’acquisition de F-35 américains. Alors que cette démarche semble être approuvée avec l'aval d'Israël, elle est susceptible d’attiser les tensions avec l’Algérie. Plus à l’est, les équilibres précaires dans la région des Grands Lacs, notamment entre la RDC et le Rwanda, pourraient se tendre si certains acteurs profitaient du désordre international pour avancer leurs intérêts. Toutefois, ailleurs, comme au Soudan ou en Éthiopie, une raréfaction des flux d’armes pourrait ralentir certains conflits – mais pour combien de temps ?



Saisir l’opportunité du désordre mondial


Face à ce tableau préoccupant, des opportunités émergent néanmoins. L’Afrique, si elle s’en donne les moyens, peut capitaliser sur ce moment de bascule géopolitique pour réorganiser ses priorités. Tourisme, agriculture, diplomatie économique : les brèches existent. À l’approche des vacances estivales, le continent peut se positionner comme destination de repli, loin des tensions moyen-orientales ou des incertitudes européennes. Une sécurité relative, une diversité culturelle, des climats attractifs : les atouts sont réels, à condition d’y adosser une stratégie marketing cohérente et une diplomatie proactive.


C’est aussi l’occasion de tirer les leçons des précédentes crises. Dans l’agriculture, les modèles d’autosuffisance expérimentés depuis 2020 méritent d’être consolidés. En matière de financement, l’Union africaine pourrait relancer le débat sur une architecture continentale capable de mitiger les effets des taux d’intérêt volatiles ou des blocages multilatéraux. À la faveur d’un calendrier diplomatique momentanément moins contraint par les grandes puissances, le continent peut aussi renforcer ses coopérations Sud-Sud.


L’autonomie doit être un horizon. Le monde avance dans le chaos, et si l’Afrique ne s’impose pas son agenda, elle subira celui des autres. Ne pas être au front n’est pas une excuse pour l’immobilisme. Le leadership africain doit saisir cette crise comme un levier, pas une fatalité. La géopolitique ne se joue plus seulement avec des armées ; elle se gagne aussi par la résilience, la diplomatie intelligente, et la capacité à transformer les failles globales en marges de manœuvre.



 
 
 

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