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LA CHINE INONDE L'AFRIQUE : une stratégie commerciale payante.

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Contrairement à une Europe désespérément passive, les hérésies économiques répétées de la nouvelle administration américaine — protectionnisme, droits de douane et incertitudes sur les chaînes d’approvisionnement — ont poussé la Chine vers des débouchés alternatifs. Résultat : en 2025, Beijing inonde l’Afrique de marchandises, d’infrastructures et d’investissements industriels. Et pour quelques États africains et de leurs citoyens, c’est une bonne nouvelle : prix bas, technologies propres accessibles, usines qui ouvrent, et un choix réel dans un monde économique de plus en plus fragmenté.


D’abord les chiffres : selon Bloomberg, les exportations chinoises vers l’Afrique en 2025 sont sur le point de dépasser pour la première fois le seuil symbolique de 200 milliards de dollars — une dynamique portée par des volumes massifs dans la machinerie, l’acier, l’automobile et surtout les technologies propres. Ce rééquilibrage géographique des flux commerciaux n’est pas anecdotique, tant il reflète la stratégie faite d’alternatives rapides à des marchés occidentaux devenus plus hostiles ou coûteux. Sur le terrain, l’effet le plus visible se joue dans le secteur de l’énergie solaire. Les importations africaines de panneaux venus de Chine ont explosé : plusieurs rapports font état d’une hausse de l’ordre de 60 % en glissement annuel et de plus de 15 GW de modules importés en douze mois — une vague qui transforme des projets hors de portée en installations opérationnelles pour des ménages, des entreprises et des mini-grids ruraux. L’impact est immédiat avec une baisse du coût moyen de l’électricité solaire, accélération des raccordements hors réseau et multiplication d’initiatives locales (micro-réseaux, pompes solaires pour l’irrigation).


La compétitivité chinoise s’explique aussi par la monnaie. Un yuan plus faible — ou géré de façon à rendre les exportations plus attractives — réduit mécaniquement le prix des biens chinois à l’étranger. Entre dépréciation et politique monétaire accommodante, les industriels chinois ont retrouvé des marges de manœuvre pour conquérir de nouveaux marchés, l’Afrique figurant en tête de liste des régions réceptives. Ce canal monétaire rend, par exemple, panneaux solaires et composants photovoltaïques beaucoup plus accessibles aux projets africains, où le facteur prix reste déterminant. Autre exemple concret avec l’industrie automobile « verte ». En 2025, l’Afrique du Sud a multiplié les signaux attractifs pour capter la vague des véhicules électriques (allègements fiscaux, discussions sur les droits d’importation pour batteries, incitations aux investisseurs) et des fabricants chinois — déjà présents sur le continent — se positionnent pour produire localement ou pour approvisionner la région en véhicules et en bus électriques. Le cas de BYD, engagé dans des flottes électriques sud-africaines, illustre comment la chaîne industrielle chinoise peut se transformer en un catalyseur local d’emploi et d’infrastructures de recharge.


Ces phénomènes ont un effet miroir : la Chine n’est pas seulement exportatrice. Elle multiplie aussi les gestes politiques pour encourager le commerce bilatéral — allégement de droits sur certains produits africains, lignes de crédit, accords d’infrastructure — ce qui donne à une poignée de pays africains une fenêtre pour accroître leurs propres exportations vers l’Asie. À court terme, cela atténue l’asymétrie commerciale et offre des leviers d’intégration régionale. Reuters Ceci dit, le diagnostic n’est pas une apologie sans nuance. L’afflux massif de biens chinois pose des questions légitimes : concurrence pour l’industrie locale (risque de désindustrialisation bien que faible), dépendance technologique et commerciale. Mais en comparant les bénéfices et les risques, pour des millions d’Africains, des panneaux solaires moins chers signifient un accès rapide à l’électricité, une réduction des coûts énergétiques et une résilience accrue face aux pannes de réseau. Pour des villes comme Le Cap ou Johannesburg, l’arrivée d’investissements dans la filière EV peut créer des chaînes de valeur locales — si les gouvernements accompagnent ces projets par des normes industrielles et des politiques de localisation.


La politique publique devient donc cruciale : imposer des normes, favoriser le transfert de savoir-faire, conditionner certains avantages à des co-investissements locaux et préserver des segments stratégiques (maintenance, assemblage, R&D) peut transformer une vague d’importations bon marché en une opportunité de montée en gamme industrielle. L’expérience sud-africaine montre que des incitations fiscales bien calibrées attirent des usines, mais qu’elles doivent s’accompagner de formations et d’une stratégie d’intégration régionale pour pérenniser les bénéfices.


En définitive, la « marée chinoise » qui s’abat sur l’Afrique en 2025 — poussée par des tensions commerciales occidentales et une stratégie d’expansion agressive — n’est pas unilatéralement négative. Elle offre aujourd’hui aux pays africains l’opportunité d’accélérer leur transition énergétique, d’élargir l’offre industrielle et de stimuler l’emploi. Le défi est d’encadrer cette dynamique, en transformant l’afflux de produits bon marché en une trajectoire durable de développement économique, où transfert de technologies, normes et création d’emplois locaux deviennent réalité. Les gouvernements africains, les investisseurs privés et la société civile ont devant eux une fenêtre réelle — et rapide — pour tirer parti de cette nouvelle géographie du commerce mondial.

 
 
 

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